lundi 21 mars 2016

Art. IX - Le dictionnaire en campagne

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la classe politique est en campagne. Mais si, voyons, François Copé est revenu, la dernière personne de gauche du gouvernement a été remerciée pour ce moment, l'exécutif se décide à réformer le travail, la Marine soutient Trump. Même Martine Aubry se remet à écrire des articles !

Voilà, nous sommes d'accord. Et ça me pose problème. Parce que je me souviens des campagnes de 2007 et de 2012. Voilà que pendant environ un an, nous allons avoir le droit à tous les "non, mais moi, je suis quelqu'un qui n'a pas peur de dire les choses, parce que les Français en ont marre", etc. Déjà, si vous arrêtiez de dire, mais que vous vous mettiez à faire, ce serait tellement mieux. Enfin, j'dis ça, j'fais rien...

Mon problème, c'est qu'à coup de "on ne peut plus rien dire, on ne pourrait plus faire du Desproges aujourd'hui, les Inconnus ne pourraient plus du tout faire leurs sketches" et autres balivernes, le langage s'est quelque peu déplacé au Front National. Et beaucoup s'en trouvent à dire que quand même, c'est bien vrai, ce n'est que ce que pensent tout bas les Français. Ils n'osent juste rien dire à cause de l'élite bobo bien-pensante gauchisante, etc.

Voilà le niveau ! Par exemple, aujourd'hui, on parle de "races" et de "Français de souche". La différence est d'écrire ces termes avec plus ou moins de guillemets suivant que l'on est plus ou moins à gauche. Mais tout le monde les emploie comme si de rien n'était. Il faudra m'expliquer le rapport avec Desproges. Il faudra expliquer aux Noirs martiniquais, par exemple, si depuis le nombre de générations qu'ils sont sur le territoire français, même en comptant seulement à partir de la fin de l'esclavage, ils sont "de souche" ou autre. Et je ne parle pas encore de métissage des couleurs.

Par exemple, la laïcité, aujourd'hui, c'est "cachez-moi ce religieux que je ne saurai voir". Alors, allez sur Google ou sur Légifrance, et tapez "loi 1905". Et lisez ! Ouais, ce n'est pas exactement ça, la laïcité.

Par exemple, "solidarité"... est un terme qui n'existe plus. C'est bien connu, les pauvres n'avaient qu'à pas être pauvres. Et les enfants de pauvres ? Ils n'avaient qu'à être bien nés. Et les réfugiés, c'est pareil, c'est pas en venant foutre la merde qu'ils vont reconstruire leur pays. Ah ! On va aller loin. Très loin. Même si le mur est très épais, on sera complètement incrustés.

Par exemple, "valeurs de la République", derrière lesquelles n'importe qui met bien ce qu'il a envie d'y mettre. De préférence des symboles, comme le drapeau, l'hymne national... il y en a même qui y mettent les frontières, le terroir, des origines exclusivement judéo-chrétiennes de la France (mais pas trop judéo quand même, sans déconner).

Par exemple, "pragmatisme", "idéologie", "service public", "droits", "devoirs", "liberté", "égalité", "fraternité"... tiens, tiens, tiens... il me semble pourtant avoir déjà vu ces trois derniers mots quelque part.

Jusqu'au style en anaphore, ces exemples, quelques uns parmi tant d'autres, datent d'anciennes campagnes. Il est temps de la nouvelle, et je ne sais si nous allons rire ou pleurer, même si j'ai une petite idée pour les "moins égaux que les autres", l'histoire ne faisant que se répéter.

A ce sujet, Karl Marx disait : "l'histoire se répète toujours deux fois, la première fois comme une tragédie, ensuite comme une farce". Question : lorsque la deuxième fois est pire que la première, s'agit-il justement de la farce, ou d'une nouvelle première fois ? Vous avez trois heures.

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